Procédure collective. Prescription en général. Le point de départ de certains délais de prescription.

26/09/2017
Professeur Agrégé des facultés de droit. Fondateur de la revue des procédures collectives
B. SOINNE
(Professeur Agrégé des facultés de droit. Fondateur de la revue des procédures collectives)

La prescription qui bénéficie d'un régime nouveau depuis la loi du 17 juin 2008 fait l'objet d'ores et déjà d'un grand nombre d'imprécisions.

La principale sans doute est celle de la question de déterminer si en matière de procédure collective les créanciers qui ont été admis à l'état des créances sont sujets à prescription nouveau régime. Il semble qu'il en soit ainsi puisque la loi ci-dessus a supprimé la règle de l'interversion de la prescription qui existait antérieurement.

On aura l'occasion tout prochainement de préciser notre position à cet égard. Celle ci n' est pas inutile puisque l'on sait qu'il existe encore des procédures collectives qui contrairement aux prescriptions de la Cour européenne des droits de l'Homme ont une durée supérieure à 10 ans et même à 20 ou 30 ans.

Quoi qu'il en soit d'autres aspects encore de ce nouveau régime prêtent à discussion. L'ancien article 2270-1  du Code civil prévoyait que les actions en responsabilité extra contractuelle se prescrivaient par 10 ans « à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation ». L'article 2222- 2 du Code civil dans sa rédaction issue de la loi du 17 juin 2008 dispose que « en cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi américaine ». L'article 2224 du Code civil énonce désormais que « les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ». La Cour de Cassation a de son côté jugé que « la prescription quinquennale du nouvel article 2224 du Code civil n'a commencé à courir qu'au jour de la publication de la loi numéro 2008-561 du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile (Cass civ 1, 28 octobre 2015 numéro 14-17 893).

Ce qui est important c'est que la Cour de Cassation abandonne à « l'appréciation souveraine » des juges du fond le point de savoir si une personne s'est ou non « trouvée dans l'impossibilité d'agir pendant le délai de prescription » (Cass civ 1, 13 juillet 2016 numéro 15 - 22004). Elle décide que les juges du fond apprécient souverainement les faits allégués pour déterminer s'ils ont pu interrompre le cours de la prescription (Cass civ 1, 8 février 2017 numéro 16 - 10 503 ; 4 février 2015, numéro 13 - 28 823). Ainsi d'une façon assez générale la Cour de Cassation décide qu'une Cour d'appel apprécie souverainement « la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis » (V. civ 2, 11 septembre 2014 numéro 13 - 21 361 ; Civ 1, 25 juin 2014 numéro 12 -29 924).

Il faut ajouter que les juges n'ont pas à motiver abondamment leurs décisions puisque la Cour de Cassation énonce d'une manière assez régulière qu'ils jouissent d'un « pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve soumis à leur examen » et ne sont « pas tenus de suivre (une partie) dans le détail de son argumentation, ni de s'expliquer sur les pièces qu'ils décident d'écarter » (Civ 1, 25 septembre 2013 numéro 12-25 775). Une Cour d'appel qui se prononce sur le point de savoir si le délai de prescription est acquis n'est donc pas « tenue de se prononcer sur les pièces qu'elle décide d'écarter» (Civ 3, 13  septembre 2011 numéro 10-16 417).

Il est donc en définitive assez périlleux de soutenir par devant la juridiction de première instance et celle d'appel que le délai de prescription a été interrompu ou qu'il n'a pas commencé à courir. Il y a des espèces où l'évidence apparaît mais il y en a d'autres pour lesquelles l'hésitation est permise. À l'issue d'une décision de Cour d'appel il est donc vain de toute façon d'exercer un pourvoi en cassation.

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